Quand une femme tombe enceinte pour la première fois, les préoocupations principales tournent autour du suivi médical de la grossesse, des échographies, de la chambre du bébé et du choix du prénom…
Mais trop souvent, on oublie d’aborder un sujet pourtant central : le vécu des mamans après l’accouchement. Bien évidemment, difficile d’anticiper cette étape lorsqu’on n’y est « pas encore ». Fatigue intense, bouleversements hormonaux, émotions contradictoires, c’est cette période du post-partum, totalement naturelle et normale, qui démarre dès la naissance de bébé et met sens dessus dessous la vie de la jeune maman.
Dans l’imaginaire collectif, la jeune mère est censée rayonner de bonheur en tenant son nouveau-né. Mais derrière cette image se cachent souvent des larmes, du doute, du découragement – ce qu’on appelle communément le baby blues – et parfois des difficultés plus profondes comme la dépression postnatale. Cela fait moins rêver raconté ainsi, mais mieux vaut anticiper la parentalité autant que la naissance en elle-même afin d’éviter les surprises.

En tant que photographe nouveau-né à domicile, je fais la connaissance de très jeunes mamans, quelques jours après la naissance de bébé et un retour très récent de la maternité ou de la maison de naissance. Etant maman également, je me souviens très bien de cette période bouleversante, ce qui me permet d’écouter en toute empathie ces mamans et d’apporter modestement un peu de confort pour les aider à relativiser les défis de la maternité (lâcher-prise bonjour !).
Parler du post-partum et de ses challenges, c’est déjà un grand pas. En brisant ce tabou, on reconnaît que devenir mère n’est pas qu’un moment de bonheur instagrammable : c’est aussi un bouleversement physique, physiologique, psychique et social.
Dans cet article, nous verrons pourquoi il est essentiel de lever le voile sur le post-partum et comment, concrètement, soutenir les mamans pendant cette période charnière.
Briser le tabou du post-partum
Qu’est-ce que le post-partum ?
Le post-partum, qu’on appelle aussi postnatal ou suites de couches, commence dès la naissance de bébé. C’est la période pendant laquelle le corps et l’esprit de la maman se réajustent après neuf mois de grossesse et l’accouchement. On parle souvent des six premières semaines, mais dans les faits, l’impact du postpartum peut durer plusieurs mois, voire une année entière.
Un corps en pleine récupération
Pendant la grossesse, l’organisme de la femme enceinte s’est profondément transformé : volume sanguin, hormones, muscles, organes. Après l’accouchement, tout doit progressivement revenir à l’équilibre. L’utérus reprend sa taille normale, les lochies (pertes de sang) s’évacuent, les cicatrices éventuelles (épisiotomie, césarienne) doivent se refermer. La montée de lait et l’allaitement sollicitent aussi énormément d’énergie. Cette convalescence est réelle, même si le post-partum est rarement présenté ainsi.
Des bouleversements hormonaux
Le taux d’hormones chute brutalement dans les jours qui suivent la naissance. Ce “sevrage hormonal” du post-partum explique en grande partie la sensibilité accrue, les larmes faciles et les sautes d’humeur fréquentes. Il est important de rappeler que ces réactions sont normales et qu’elles ne signifient pas qu’on “n’assure pas” son rôle de mère. Toutes les jeunes mamans passent donc par cette phase 2-3 jours après l’accouchement où un rien fait pleurer, sans aucune raison. C’est complètement normal et pourtant tellement déstabilisant !

Une adaptation émotionnelle et psychique
Accueillir un bébé, c’est aussi devenir parent. Cette transition identitaire est souvent sous-estimée : tout est chamboulé, on change de rythme, de priorités, on apprend un nouveau rôle avec son lot de doutes et de culpabilité. Beaucoup de mamans passent par une phase d’ambivalence, mélange d’amour intense et de sentiment d’être dépassée. Chaque période de développement de l’enfant amène son lot de défis et de doutes et ce n’est que le début d’une longue aventure de remises en question perpétuelles.
Chaque post-partum est unique
Certaines mamans retrouvent rapidement de l’énergie et se sentent bien, d’autres ont besoin de plus de temps pour se remettre physiquement ou émotionnellement. Tout dépend de l’accouchement, du soutien reçu, du vécu psychologique et de l’état de santé général. Il n’existe pas de “bonne” façon de vivre son post-partum – il n’y a que la vôtre. Il n’y a donc pas de rythme à suivre, prenez le temps de vous retrouver car c’est aussi important pour votre bien-être et celui de bébé : « si maman va, tout va ! ».
Différences entre baby blues et dépression postnatale
De nombreuses femmes ressentent un tourbillon d’émotions après la naissance. C’est normal : le corps change, le quotidien est bouleversé et le rôle de mère tout neuf leur tombe dessus. Pourtant, il est essentiel de différencier le baby blues, qui est une réaction transitoire très fréquente, de la dépression postnatale, qui nécessite un accompagnement spécifique.
Le baby blues : un passage courant et transitoire
Le baby blues touche environ 60 à 80 % des mamans. Il survient généralement entre le deuxième et le cinquième jour après l’accouchement, au moment où le taux d’hormones chute brutalement. Comme abordé plus haut, les symptômes les plus courants sont :
- pleurs faciles et hypersensibilité ;
- irritabilité, sautes d’humeur ;
- fatigue intense, impression d’être dépassée ;
- difficultés à se concentrer ou à dormir.
Même si cette phase peut être déstabilisante, elle reste brève (quelques jours à une semaine) et disparaît spontanément sans traitement. Le soutien moral de l’entourage et des sages-femmes suffit souvent à aider la maman à traverser ce cap.
La dépression postnatale : quand les symptômes persistent
La dépression postnatale touche environ 10 à 15 % des mères pendant le post-partum. Elle se manifeste par :
- tristesse persistante, sentiment de vide ou de culpabilité ;
- perte d’intérêt pour des activités qui faisaient plaisir ;
- troubles du sommeil ou de l’appétit (en excès ou en manque) ;
- anxiété intense, difficultés à créer du lien avec le bébé ;
- parfois des idées noires.
Ces signes durent plus de deux semaines, peuvent apparaître dès la naissance ou plusieurs mois plus tard, et ne disparaissent pas seuls. La dépression postnatale n’est pas un « manque de volonté » comme on peut parfois l’entendre dans certaines bouches. Non, c’est une maladie réelle, qui dépend de plusieurs facteurs (hormones, fatigue, antécédents psychiques, isolement, accouchement difficile…) qui nécessite une évaluation et un suivi par un professionnel de santé (médecin, sage-femme, psychologue ou psychiatre). Si vous sentez que la dépression postnatale vous touche, parlez-en rapidement à un professionnel de santé (votre sage-femme est souvent la première personne qui vous aidera à déceler cette dépression).
Reconnaître les signaux et agir tôt
L’entourage a un rôle clé dans le post-partum pour repérer ces symptômes et encourager la maman à consulter sans culpabiliser. Plus le diagnostic est posé tôt, plus le soutien et, si besoin, le traitement sont efficaces. Parler de ses difficultés, accepter l’aide et dédramatiser le recours à un professionnel de santé sont des gestes qui sauvent.
Comment soutenir concrètement une jeune maman pendant son post-partum
Toute maman a besoin d’être entourée et aidée après un accouchement. Le soutien des proches est donc essentiel pour que la période postnatale soit moins lourde et plus sereine. En se sentant entourée et écoutée, la maman traverse mieux les bouleversements physiques et émotionnels. Mais bien souvent, l’entourage ne sait pas comment aider concrètement. Voici quelques pistes simples et efficaces.
Le rôle du partenaire
Le ou la partenaire est en première ligne. Son soutien peut faire toute la différence. En écoutant sans juger, la maman peut exprimer librement ses émotions, même négatives. Le partage des tâches domestiques est indispensable : courses, ménage, lessive, repas. Chaque geste libère du temps et de l’énergie. Les soins du bébé concernent tout autant les deux parents, et je dirais même plus le coparent si la maman allaite : change, bain, câlins, biberons si possible. Cela favorise le lien avec l’enfant et donne des moments de répit à la mère. Le coparent peut veiller au repos de la maman en prenant le relais : même de courtes siestes sont bénéfiques pour la maman.
Le rôle des proches et de la famille
Souvent, les amis et la famille veulent bien faire, mais leurs visites peuvent parfois fatiguer. Le plus utile est d’offrir une aide concrète en apportant par exemple un repas maison ou en faisant des courses, en proposant de garder le bébé (ou les aînés) pour que la maman puisse se reposer ou prendre du temps pour elle. Les proches peuvent aussi aider aux petites tâches (ranger, passer l’aspirateur, plier le linge) et surtout, respecter le rythme de la jeune famille (prévenir avant de venir et limiter la durée des visites).
Le rôle des professionnels
Les professionnels de santé sont des alliés précieux pour la jeune maman. Les sages-femmes sont en première ligne dès la maternité mais aussi pendant le suivi au retour à la maison. La sage-femme surveille alors l’évolution de l’état de santé de la mère et du bébé, peut donner des conseils et repérer les signes de baby blues ou de dépression postnatale. Les médecins et psychologues sont à même d’évaluer l’état émotionnel et proposer un suivi ou un traitement si nécessaire. Enfin, les groupes de parole et associations offrent un espace d’échange bienveillant, où les mamans se sentent moins seules.
Ce qui compte vraiment
Au-delà des gestes pratiques, l’élément clé reste la bienveillance et l’absence de jugement. Dire “je suis là si tu as besoin”, “tu fais de ton mieux” ou “c’est normal de te sentir fatiguée” peut apporter un grand soulagement. Soutenir une maman, c’est l’aider à se sentir comprise, respectée et entourée.
Conseils pour les mamans elles-mêmes
Prendre soin d’un nouveau-né est épuisant et très prenant. Pourtant, le bien-être de la maman est essentiel pour celui du bébé. S’accorder de la bienveillance et de l’attention n’est ni égoïste ni superflu, c’est une nécessité.
Oser demander de l’aide
Beaucoup de femmes culpabilisent à l’idée de solliciter leur entourage. Pourtant, personne ne peut tout faire seule. Confier le bébé à son partenaire, à un proche de confiance ou demander un coup de main pour les repas ou le ménage est un signe de lucidité, pas de faiblesse. Plus tôt on s’autorise à demander, plus le soulagement est grand !
Écouter son corps
Après l’accouchement, le corps a besoin de temps pour récupérer pendant le post-partum. Il est normal d’être fatiguée, d’avoir des douleurs ou des inconforts. S’accorder des siestes dès que possible, éviter les efforts trop intenses (on ne porte pas plus lourd que son bébé), consulter en cas de doute : ces gestes favorisent la récupération. L’alimentation joue aussi un rôle important, même des repas simples et nourrissants.
Prendre des petits moments pour soi
Même cinq minutes peuvent faire la différence : prendre une douche tranquille (toujours une épreuve difficile quand on est seule avec son nouveau-né !), écouter de la musique, boire un thé chaud, faire quelques respirations profondes. Ces micro-pauses permettent de se reconnecter à soi et de souffler. Si possible, programmer un moment hors de la maison (courte promenade, rendez-vous amical) peut aussi redonner de l’énergie.
Se déculpabiliser
Il n’existe pas de “bonne” manière d’être mère. Le post-partum est souvent chaotique et c’est normal. Il est sain de reconnaître ses émotions – même les moins “positives” – et de les exprimer. Se rappeler qu’on fait de son mieux et que l’adaptation prend du temps permet de relâcher la pression.
S’informer et surveiller son état émotionnel
Connaître les signes du baby blues et de la dépression postnatale aide à réagir rapidement. En cas de tristesse persistante, d’anxiété ou d’idées noires, il est essentiel d’en parler à un professionnel (sage-femme, médecin, psychologue). On ne le répètera jamais assez, chercher de l’aide n’est pas un échec mais un acte de soin et de protection. Alors les mamans, prenez soin de vous pour pouvoir bien prendre soin de votre bébé !